En 2019, la Banque de la République du Burundi (BRB) a interdit l’usage des cryptomonnaies, évoquant les risques liés aux fraudes et le manque de contrôle sur les transactions. Pourtant, ce sujet continue de diviser l’opinion publique et les décideurs. À l’heures où les monnaies numériques jouent un rôle très important dans l’économie mondiale, la question de leur rôle au Burundi mérite une réflexion approfondie. Analyse et réflexion de notre rédacteur Clément Havyarimana
Malgré que les crypto monnaies représentent une alternative accessible et innovante au système financier traditionnel, elles continuent de diviser l’opinion publique. Dun côté, certains les considèrent comme l’avenir de la finance, promettant liberté et inclusion économique. De l’autre, elles sont perçues par certains comme un terrain propice aux fraudes et à l’instabilité.
Résumons les multiples facettes de cet univers en pleine expansion :
Les défis posés par les cryptomonnaies :
D’abord, la plupart des personnes qui sont contre l’émergence des cryptomonnaies argumente leurs opinions en disant qu’il y a l’absence de régulation et risques d’arnaque,
Le manque de cadre règlementaire expose les utilisateurs à des systèmes frauduleux tels que les pyramides de Ponzi et d’autres, qui sont déjà un problème dans plusieurs pays. Sans protection légale, les victimes de ces escroqueries ont peu de recours.
Ensuite, pour ce qui est de la fameuse volatilité des monnaies numériques, si les stablecoins offrent une certaine stabilité, d’autres cryptomonnaies comme le Bitcoin sont extrêmement volatiles. Cette instabilité pourrait entrainer des pertes financières pour les utilisateurs mal informés ou imprudents.
Enfin, leur forte volatilité et l’absence de cadre réglementaires clairs, les cryptomonnaies sont confrontées à de nombreux autres défis fréquemment évoqués. Cependant, ces deux aspects restent parmi les plus significatifs, mais le plus important c’est que les cryptos représentent une alternative accessible et innovante. De plus, malgré ces obstacles, il est important de souligner que les cryptomonnaies présentent également des avantages indéniables qui méritent d’être explorés.
Les avantages des cryptomonnaies
Les cryptomonnaies, qui utilisent des technologies décentralisées comme la blockchain, promettent des avantages considérables dans les pays en développement, notamment en Afrique. Au Burundi, où l’accès aux services bancaires est limité pour une grande partie de la population, ces monnaies numériques offriraient une alternative accessible et innovante. En effet, pour les Burundais qui ne possèdent pas de comptes bancaires, les cryptomonnaies permettraient d’accéder aux services financiers par un simple téléphone connecté, ouvrant ainsi la voie à une inclusion financière plus large. Avec une monnaie numérique, chacun pourrait facilement envoyer ou recevoir de l’argent, payer des biens et des services sans avoir recours aux banques.
Des transferts d’argent rapides grâces au cryptomonnaies
Outre leur potentiel pour l’inclusion financière, les cryptomonnaies peuvent réduire significativement les coûts de transfert d’argent, notamment pour la diaspora burundaise qui envoie des fonds à leurs proches. Les frais des services classiques, souvent onéreux, sont presque éliminés grâce aux transactions en cryptomonnaies, qui se font de façon en peu de temps et à coût réduit.
Un bouclier contre l’inflation et la dévaluation
Dans un contexte d’inflation et de dévaluation du franc burundais, les cryptomonnaies représentent également une option pour préserver la valeur de ses économies. Bien que ces monnaies soient parfois volatiles, certaines, appelées stablecoins, sont adossées à des monnaies fortes comme le dollar, permettant ainsi aux utilisateurs de protéger leur pouvoir d’achat contre l’inflation locale. Avec un tel système, les Burundais pourraient avoir accès à une réserve de valeur stable sans dépendre des fluctuations de la monnaie nationale.
L’absence de réglementation, une occasion parfaite pour les arnaques
Cependant, les défis restent nombreux. En premier lieu, le manque de cadre réglementaire clair expose les utilisateurs aux arnaques. Des systèmes frauduleux comme les pyramides de Ponzi, déjà courants dans d’autres pays africains, pourraient facilement piéger les utilisateurs peu informés. La réglementation actuelle de la BRB, en interdisant purement et simplement les cryptomonnaies, limite les options de protection pour les utilisateurs en cas de litige et restreint l’adoption d’un usage sûr et contrôlé des cryptomonnaies.
Les limites techniques et les risques de volatilité
À ces risques de fraude s’ajoute la volatilité de certaines cryptomonnaies, comme le bitcoin, dont la valeur peut varier fortement en peu de temps. Les stablecoins offrent une certaine sécurité, mais ils sont moins populaires que les monnaies plus volatiles et ne sont pas forcément accessibles ou bien compris par le public burundais. Par ailleurs, le manque de technologies modernes et de connexion Internet de qualité est un frein important. Dans un environnement où la majorité des connexions sont faibles, l’usage des cryptomonnaies reste difficilement envisageable à grande échelle, notamment en milieu rural.
De qui s’inspirer ?
Selon l’étude menée par le centre Ciper consulting sur l’état des lieux des cryptomonnaies au Burundi, les expériences du Kenya et du Nigeria montrent qu’il est possible de concevoir une régulation qui encourage l’innovation tout en limitant les risques. Par exemple, le Kenya a opté pour une régulation qui encadre les transactions sans les interdire, tandis que le Nigeria a lancé une monnaie numérique de banque central pour répondre à la demande croissante d’options numériques tout en contrôlant les risques même si cette monnaie ne garantit pas la liberté comme des cryptomonnaies. Pour le Burundi, une approche combinant liberté d’innovation et protection des utilisateurs pourrait permettre de profiter des cryptomonnaies de manière sécurisée. Encourager l’usage des stablecoins, par exemple, permettrait de réduire les risques de volatilité tout en répondant au besoin d’inclusion financière. En parallèle, un cadre éducatif pour sensibiliser la population aux risques et aux bonnes pratiques s’avère essentiel pour éviter les abus et renforcer la confiance.
Bien que les cryptomonnaies représentent des défis notables, elles offrent une opportunité de modernisation pour l’économie burundaise et une solution alternative pour l’inclusion financière. Une introduction progressive des changements, inspirée des exemples africains, pourrait transformer ces défis en réelles opportunités de développement économique. En révisant sa politique actuelle, le Burundi pourrait bien s’ouvrir à un avenir numérique inclusif, pour le bénéfice de sa population.